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Brader les prix pour sauver le ski?

Les skieurs boudent les stations car il n’y a plus assez de neige sur les pistes. Pour les appâter, les domaines skiables misent sur des prix bas. Une solution intéressante financièrement mais dangereuse pour certaines stations qui pourraient y laisser des plumes.

«Wunderbar !», s’exclame Urs Zurbriggen, chef des remontées mécaniques de Saas Fee, en constatant la réussite de l’opération. «Plus de 90’000 personnes ont acheté le forfait saison à 222 francs. 20 millions de francs ont été encaissés, les rentrées financières sont presque assurées pour la saison !»  L’offre consiste à baisser le prix du forfait qui était de 1’050 francs, dans le but d’augmenter la fréquentation de la station. Un prix divisé par cinq qui permet de rentabiliser l’abonnement en trois journées seulement.

Saas Fee a misé sur le financement participatif pour attirer les skieurs sur ses pistes. Ceux-ci étaient invités sur la plateforme we-make-it-happen.ch pour pré-acheter l’abonnement. Pour permettre le lancement de la Wintercard à 222 francs, la station valaisanne s’est fixé comme objectif de vendre 75’000 sésames. Une fois ce seuil atteint, l’abonnement pouvait être définitivement lancé. En cas d’échec, le forfait saisonnier aurait été mis aux oubliettes. De cette manière, la station ne prend aucun risque financier. A ce jour, cette campagne demeure le projet de financement collaboratif ayant obtenu le plus de capitaux en Europe.

Saas Fee, comme les autres stations valaisannes, fait face à une diminution considérable du nombre de skieurs sur ses pistes.  En effet, depuis dix ans, les domaines du canton ont perdu environ 2,3 millions de skieurs journaliers. En comparaison nationale, les stations ont perdu sept millions de skieurs journaliers en dix ans. En cause, le franc fort et le réchauffement climatique. Le manque de neige durant les vacances de Noël a des conséquences financières considérables, car c’est durant cette période de l’année, que les remontées mécaniques enregistraient le plus gros de leur chiffre d’affaire.

Les abonnements à bas prix séduisent

Ces forfaits saisonniers sont à la fois une solution a un problème financier, mais aussi un «coup de pub» pour la station. Pour Fabienne Jeanneret, la responsable marketing de Saas Fee Tourisme, «cette expérience est un succès. Les restaurateurs et les hôteliers sont très contents de la fréquentation. Cet abonnement a changé l’image de Saas Fee.»

Parmi les convaincus de l’abonnement à prix réduit, sans surprise, les hôteliers de Saas Fee qui participent eux-mêmes à la vente des forfaits. Raphael Herzog, directeur de l’hôtel The Capra affirme que «c’est clairement positif pour tous les établissements, appartements, hôtels et aussi pour les auberges de jeunesse.» Robi Anthamatten, propriétaire du Popcorn! Hotel va plus loin dans la démonstration de l’enthousiasme: «L’impact de cet abonnement était fantastique pour nous! Nous avons fait presque 20% en plus de nuitées cet hiver. Mais c’est surtout pendant la semaine qu’on a enregistré une augmentation du nombre de séjours.»

Et les clients, de leur côté semblent satisfaits, à l’image de Cédric Delétra, d’Etoy dans le canton de Vaud: «Au lieu de trois forfaits journaliers, j’ai pris l’abonnement annuel ce qui, pour le même prix, me permettra de revenir. Etant donné la distance entre Etoy et Saas Fee, je n’aurais pas pris l’abonnement à son ancien prix de 1’050 francs.»

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Les ensembles hôteliers de Saas Fee tirent un bilan positif de la Wintercard © Saas Fee Tourisme

Au terme de la saison de ski, le bilan est positif pour Saas Fee : 90’000 sésames ont été vendus. Le succès sera sûrement au rendez-vous l’année prochaine : 77’777 Wintercards ont déjà trouvé preneur pour l’hiver à venir. En 2016, le forfait proposé par Saas Fee à 222 francs a permis d’augmenter de plus de 50% le nombre de skieurs journaliers, passant de 325’000 en 2015 à plus de 490’000 pour la saison passée. De plus, cet abonnement en financement participatif permet également de débuter la saison avec des caisses en partie déjà garnies.

INFOGRAPHIE: Les différents abonnements des stations de ski valaisannes

Au sein des stations plus modestes, on voit d’un bon œil l’expérience de Saas Fee. Alain Darbellay, directeur de TéléLaFouly-Champex-Lac affirme: «A Saas Fee, en guise de boutade, on va dire qu’ils nous ont copiés car notre Pass Saint-Bernard (pour le ski: Vichères, La Fouly et Champex-Lac) est à 99 francs et rencontre un beau succès. On comprend certaines sociétés qui trouvent que c’est du dumping mais d’un autre côté, nos petites stations ont de la peine à s’en sortir… Il faut tenter quelque chose de novateur et nous sommes satisfaits du lancement.» Actuellement, 14’000 sésames ont été vendus.

En réaction à l’offre de Saas Fee, d’autres domaines se sont mis ensemble pour créer le Magic Pass. Une offre pour contrer les effets du manque de neige et du franc fort. Le Magic Pass propose, pour un prix de départ fixé à 359 francs, l’accès à 25 stations en Suisse romande.

Toutefois, la démarche de Saas Fee, dont le résultat devra être analysé et jugé sur le long terme, pose des questions essentielles pour le tourisme hivernal en Valais. Cette expérience annonce-t-elle les prémices d’une féroce concurrence dans la sous-enchère entre stations, pour s’arracher une clientèle peu extensible?

AUDIO: Noémi Thurre, chargée de communication à Saas Fee, ne craint pas la concurrence.

Casser les prix comme solution à long terme?

70’000 personnes ont déjà acheté le Magic Pass. Les ventes de ce nouveau forfait ont rapporté plus de 20 millions de francs. Pour les promoteurs de ce nouvel abonnement, tous les domaines skiables qui y participent devraient être gagnants.

VIDEO: Jean-Daniel Clivaz, responsable du projet Magic Pass, estime que le Magic Pass est la solution.

Un des objectifs de ce Pass est d’inciter les gens à skier plus souvent. Les remontées mécaniques qui ont investi dans le Magic Pass, ont la garantie de toucher un montant équivalent à la moyenne des chiffres d’affaires, réalisés lors des trois derniers hivers. Ces retombées économiques ne profiteront pas à tous les autres acteurs des stations comme les loueurs de matériels de ski, les restaurants ou encore les hôtels.  En revanche, ces derniers pourront bénéficier des nouveaux clients que leur rapportera le Magic Pass.

Entre l’abonnement pour la saison de ski à Saas Fee, baptisée Wintercard ou encore le Magic Pass, les amateurs de sports d’hiver, tel que Cédric Delétra, qui vit à Etoy dans le canton de Vaud, ont donc le choix.

AUDIO: Pour Cédric Delétra, le choix n’est pas facile à faire entre les différents abonnements.

Les abonnements bon marché soulèvent plusieurs critiques

Parmi les points négatifs de la Wintercard de Saas Fee, certains estiment que la qualité de l’offre proposée en pâtira, à l’instar de François Fournier, le directeur des remontées mécaniques de Nendaz-Veysonnaz. Selon lui, «un prix de 222 francs ressemble à un bradage des prix, qui pourrait entraîner une baisse de tous les forfaits en Valais.» Pour lui, «l’enjeu n’est pas tellement le prix des abonnements mais plutôt d’aller plus loin dans le système de prix flexibles en fonction des périodes, de l’affluence et aussi de la vente en ligne. En Suisse, le modèle est encore trop traditionnel.»

Le forfait de Saas Fee n’a pas créé un skieur en plus. Eric Balet, directeur de TéléVerbier

Il est un autre problème que ces nouveaux abonnements ne peuvent pas résoudre: la concurrence entre les stations. Il n’est pas garanti que les amateurs de ski choisissent de se rendre sur les pistes des petits domaines, au détriment des grands. Du côté de Verbier, Eric Balet, directeur de TéléVerbier constate: «Si Verbier et les 4 Vallées appliquaient cette méthode, on ferait mourir beaucoup de petites stations et sans garantie de nous en sortir nous-mêmes.»

TéléVerbier préfère travailler sur la relève, en donnant envie aux jeunes de skier. Il pense que: «Le forfait de Saas Fee n’a pas créé un skieur en plus, ils sont simplement allés piquer des skieurs dans le Haut-Valais, en Suisse Alémanique et en Autriche.»

VIDEO: Christophe Clivaz, auteur du livre « Tourisme d’hiver », relève des problèmes liés au Magic Pass.

La majorité des stations valaisannes, y compris celles qui étaient contre les prix réduits, ont décidé de suivre le mouvement, en diminuant leurs tarifs. Les 4 Vallées proposent désormais un abonnement annuel pour les jeunes de moins de 25 ans à 400 francs. Les Portes du Soleil les ont suivi en offrant, de leur côté, le même type d’abonnement.

Cependant, indépendamment des offres d’abonnements, les stations ne sont pas logées à la même enseigne en matière d’enneigement. Les domaines de basse altitude souffrent davantage des changements climatiques. Ils doivent trouver de nouvelles pistes pour se démarquer afin de survivre.

Certaines petites stations, tel que celles incluses dans le Pass St-Bernard, ont déjà pris les devants en proposant un abonnement qui permet de profiter également d’activités estivales. Pour les autres, le Magic Pass va les obliger à se positionner très rapidement.

Le tourisme estival,
c'est la clé pour l'avenir de nos montagnes.
Jean-Daniel Clivaz, responsable du projet Magic Pass

La coopérative du Magic Pass est pleinement consciente, du fait qu’on ne peut plus tout miser sur l’hiver. Les membres réfléchissent à l’avenir et vont proposer à long terme, des activités sur toute l’année. Jean-Daniel Clivaz, responsable du projet Magic Pass nous l’explique: «ça fait vingt ans qu’on en parle comme d’un fantôme, mais ce réchauffement climatique est là et le manque d’enneigement risque forcément de mettre à mal toutes nos installations, donc le tourisme estival, c’est la clé pour l’avenir de nos montagnes.»

Avec ou sans Magic Pass, les stations vont devoir à l’avenir, inévitablement passer par un développement estival. Il n’est pas impossible que dans les années futures, certains domaines doivent abandonner le ski. Les remontées mécaniques auraient ainsi une deuxième vie en transportant les amateurs de Via Ferrata, de VTT ou de sentiers de randonnées.

Texte, vidéos et sons: Héloïse Maret
Images: Saas Fee Tourisme et Héloïse Maret

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