Oubliez les entrainements épuisants et la diététique contraignante, il suffit d’écouter de la musique pour battre des records ! Si la réalité est évidemment plus complexe, les chercheurs sont unanimes : une utilisation maîtrisée des sons peut aider à l’amélioration des performances humaines et donc des résultats sportifs.
Aller plus vite, plus haut et plus loin par la simple utilisation de la musique. Une perspective alléchante et un fantasme qui vient désormais flirter avec la réalité. Alors que les études scientifiques se multiplient, certaines initiatives visent déjà à maitriser l’utilisation des sons pour décupler les performances.
C’est notamment le cas du casque auditif mis au point par Olivia Boa, ancienne boxeuse professionnelle domiciliée à Fribourg. Cette dernière a d’abord mis au point un dispositif pour aider son enfant handicapé à gérer le stress avant que les programmes ne soient peaufinés et diversifiés pour influencer toutes sortes de paramètres. En fonction des puces électroniques utilisées, ce casque diffuse des ondes dont les fréquences agissent directement sur le cerveau. Chaque programme est conçu pour produire des effets précis sur l’organisme et donc sur les capacités physiques et mentales des athlètes. De quoi en faire un partenaire idéal, à l’entrainement comme en compétition. Après deux ans d’utilisation, Sabrina Verratti, joueuse de badminton en ligue nationale B affirme qu’elle ne peut plus s’en passer.
En vidéo, Sabrina Verratti raconte l’importance du son dans ses performances :
«Avec les puces stimulantes, on sent vraiment que tout le corps se réveille, comme si des fourmis arrivaient dans nos jambes et que le cerveau était particulièrement éveillé, détaille la jeune sportive. Avec les programmes relaxants par contre, il y a une forme de déconnexion et de lâcher prise.»
Pour mettre au point ce casque, Olivia Boa et les chercheurs qui l’assistent ont mené différentes études physiologiques. Des prises de sang ou encore des électroencéphalogrammes pour étudier précisément les effets des différentes puces sur le cerveau. «Avec le programme relaxant Serenity, il est facile d’observer que les ondes de la détente atteignent une amplitude importante. Les personnes sont donc plus détendues», appuie Olivia Boa.
Les ondes stimulent le cerveau en fonction des besoins de l’athlète
Nous y voilà, la musique et ses pouvoirs presque magiques au service des performances, notamment sportives. Depuis les années 90, la question intéresse beaucoup la communauté scientifique et l’existence d’une vraie influence a été démontrée par plusieurs travaux. Pour autant, pas question de parler de «produit miracle».
«La musique améliore la performance mais seulement à certaines conditions. C’est surtout le cas pour des individus de niveau moyen, très peu à haut-niveau ou alors ça n’a jamais été prouvé, pose le Docteur Gérald Gremion, du centre de médecine du sport au CHUV. Il semblerait que l’impact se fasse lorsque l’individu passe d’une performance aérobie à une performance anaérobie (à une certaine intensité d’exercice, le dioxygène ne suffit plus à couvrir les besoins. Le sportif va accumuler du lactate et l’effort est considéré comme anaérobie, ndlr). Ce seuil est très mal ressenti chez ceux qui n’ont pas l’habitude de la souffrance sportive et la musique peut permettre de l’oublier en partie. Sur ce point, elle offre un avantage en permettant de franchir une barrière psychologique.»
Les aides apportées aux athlètes en compétition ne sont pas autorisées […] Radio, lecteur de cassette ou de cd et téléphone portable sont donc prohibés Fédération française d'athlétisme, dans son règlement 2016
La musique constituerait donc une sorte d’échappatoire, une manière de détourner l’esprit de l’effort pour mieux le tolérer. «Personnellement je me sens mieux avec du son dans les oreilles, des trucs qui me portent un peu et m’aident à ne pas trop réfléchir quand les jambes commencent à faire mal», abonde d’ailleurs Florent Buttay, spécialiste franco-suisse des courses de montagne.
Pour alléger l’esprit, tous les spécialistes soulignent néanmoins l’importance d’un bon choix musical. «Une musique connue et que l’on apprécie est efficace alors qu’à l’inverse, elle peut gêner le sportif», prévient le Dr Gremion. Sur un titre mal adapté, où le rythme est trop rapide par exemple, le sportif pourrait se laisser entraîner et cesser d’être à l’écoute de son corps.
«Les chercheurs ont également mis en évidence l’action bénéfique de la musique lors des exercices répétitifs comme la natation, le cyclisme, ou la course à pied, affirme Roberta Antonini Philippe, Maître d’Enseignement et de Recherche à l’Institut des Sciences du Sport de l’UNIL. Le tempo musical peut réguler le mouvement et prolonger la performance. Haile Gebrselassie a ainsi brisé le record du monde du 10 000 mètres en 1998 en synchronisant ses foulées au rythme du hit Scatman de John Scatman».
La musique Scatman était parfaite pour le record du monde du 10 000 mètres. Si vous visionnez certaines de mes performances, vous pouvez percevoir son rythme Haile Gebrselassie dans les colonnes du Guardian, en mai 2013
Le record du monde d’Haile Gebrselassie à revivre en vidéo :
Capable d’améliorer les performances sportives, recommandé pour se relaxer et pour se booster, le son serait donc un outil aux pouvoirs insoupçonnés, bien loin du simple plaisir musical. Il est ici question de son essence même et de son impact sur l’être humain, bien avant ses applications dans le milieu sportif. Une dimension que certains exploitent déjà au maximum. C’est le cas de Blaise Angel, professeur de yoga lausannois qui organise régulièrement des séances de «Yoga du son».
Les participants sont invités à utiliser le son comme un appât à émotions:
«Je suis convaincue que le son peut constituer une aide et jouer un rôle de facilitateur lorsque l’on souhaite interagir avec son corps, affirme Odile, une pratiquante au sortir d’une séance. Dans mon métier de sage-femme je l’utilise pour soulager la douleur au moment de l’accouchement. Je suis persuadée que les bienfaits sont transposables dans plusieurs domaines.»
D’après Blaise Angel, le son constitue en effet un moyen redoutable pour plonger au coeur de soi-même, parvenir à la méditation ou amener l’esprit vers d’autres techniques comme l’imagerie ou la préparation mentale. Des procédés qui prennent de plus en plus de place dans le milieu du sport, notamment de haut-niveau.
Le son comme une porte d’entrée vers le subconscient :
La musique modifie donc les dispositions mentales et physiologiques mais peut aussi servir de modèle ou de référence lorsqu’il s’agit d’effectuer une activité en rythme. Ajouter à l’interdiction inscrite par la Fédération Française d’Athlétisme dans son règlement 2016 (voir citation plus haut), le constat sème le doute. La musique est-elle devenue le plus répandu des produits dopants ?
Il ne s'agit pas d'une méthode dopante au sens de notre liste de choses interdites. L'augmentation de la performance semble limitée au sport récréatif, le risque pour la santé et la violation de l'esprit du sport ne peuvent être retenus. Il s'agit plutôt d'un outil, d'un adjuvant à l'environnement sportif Docteur Olivier Rabin, directeur sciences au sein de l'Agence Mondiale Antidopage
De son côté aussi, Olivia Boa refuse de parler de dopage. Pour elle, les ondes diffusées par son casque et la musique en général permettent avant tout d’optimiser les réponses de l’organisme.
En vidéo, Olivia Boa explique pourquoi l’usage du son n’est pas une pratique dopante :
Une approche scientifique où il ne s’agit plus simplement de mettre un casque auditif mais de concevoir des exercices en fonction des sonorités. «Il ne faut pas oublier que la musique touche à l’inconscient, ses effets restent encore très méconnus mais les perspectives sont nombreuses», envisage le spécialiste.
Dans le domaine du sport, des applications toujours plus poussées commencent à être envisagées. Il est désormais question d’utiliser le son de manière extrêmement précise en fonction du type de pratique et des caractéristiques de l’individu.
A terme, pourquoi ne pas supposer des oreillettes pour coureurs cyclistes qui ne diffusent plus les consignes des directeurs techniques mais des ondes prédéfinies ? Des programmes qui s’adaptent au tracé pour alterner phases de stimulation et de stabilisation en fonction des exigences du parcours et du rythme cardiaque du sujet ? Comme si l’éveil de l’organisme et l’engagement musculaire pouvaient être planifiés en amont de l’effort.
Presque une utopie à première vue, pourtant l’idée est déjà murmurée par certains préparateurs physiques et mentaux dans le milieu du sport de haut-niveau. Reste à savoir jusqu’où cette exploitation du son peut désormais aller et jusqu’à quel point elle peut cohabiter avec l’esprit sportif.
Textes, sons, vidéos et mise en forme : Romaric Haddou