Avec l’arrivée du salon des vins Arvinis à Montreux, la ville chère à Claude Nobs étoffe davantage son panel de manifestations reconnues et enviées sur l’Arc lémanique. Où s’arrêtera-t-elle ?
Le Jazz Festival, PolyManga, le Marché de Noël ou encore le Volley Masters, autant d’événements qui représentent la vie culturelle à Montreux. Chaque année, plusieurs centaines de milliers de personnes affluent dans la ville pour l’une ou l’autre de ces manifestations. De plus, la renommée de Montreux fait de l’œil à certains organisateurs d’événements qui songent à délocaliser.
Arvinis se déplace sur la Riviera
Parmi les manifestations qui ont posé leurs valises à Montreux, la dernière en date se nomme Arvinis. Le salon des vins a plié bagages après plus de 20 ans de présence à Morges. Chaque année, plus de 20’000 personnes s’y rendaient pour déguster des millésimes de la Côte et d’ailleurs.
Le succès était pourtant au rendez-vous, alors pourquoi avoir pris la décision de se déplacer ? Selon les fondateurs d’Arvinis, leur déménagement était inévitable. « Nous ne pouvions plus rester à Morges, explique Nadège Fehlmann, co-organisatrice de l’événement. Les Halles CFF, dans lesquelles se déroulait le salon des vins du monde, allaient être détruites et si nous voulions pérenniser la manifestation, il était impératif de trouver un nouveau toit. »
Pourquoi Montreux ?
Les organisateurs voulaient une solution durable. Plusieurs sites étaient étaient en course pour accueillir Arvinis, comme Palexpo à Genève, le palais de Beaulieu à Lausanne, l’Espace Gruyère à Bulle et le Centre des Congrès à Montreux. Ce dernier s’est imposé comme la destination idéale de l’avis de Nadège Fehlmann. Selon elle, « le choix de Montreux a été mûrement réfléchi. Pour nous il était notamment question de pouvoir trouver un lieu où l’on pourrait s’agrandir, mais aussi qui pourrait nous accueillir sur le long terme. »
La présentation du directeur du Centre des Congrès, le 2m2c, a joué son rôle. Ses arguments ont trouvé écho auprès des Fehlmann dans leur prise de décision. « À Montreux, nous avons une véritable culture de l’accueil, explique Rémy Crégut, le directeur du 2m2c. De plus, le cadre et le nom de la ville sont un atout majeur sur lequel nous jouons pour recevoir des événements, des salons ou autre manifestations. »
Théoriquement, Arvinis a souhaité jouer sur la renommée de Montreux pour s’agrandir et ainsi attirer davantage de personnes. Pourtant, le bilan est en-deçà des attentes. La manifestations qui s’est tenue pour la première fois à Montreux, du 26 avril au 1er mai dernier, a rassemblé près de 18’000 personnes, soit 6’000 visiteurs de moins que lors de la dernière édition morgienne. Même si l’affluence semble affirmer le contraire, les organisateurs se sont dits satisfaits, ne regrettant pas leur décision, Arvinis étant devenu la plus grande foire suisse, dédiée aux vins du monde.
Arvinis ne vient pas seul
Arvinis n’est pas la seule manifestation à avoir quitté la Coquette pour les rivages montreusiens : le marché de Noël de Morges s’exporte sur la Riviera et s’ajoute au Montreux Noël dès cet hiver. Et pour cause, lui aussi se tenait dans les désormais ex-Halles CFF et se devait de trouver un nouveau point de chute.
Mais sa venue à Montreux, contrairement à Arvinis, n’est pas un hasard. En effet, ce sont également Philippe et Nadège Fehlmann qui étaient chargés de son organisation. Une décision qui peut paraître étonnante au vu de la réputation, déjà bien assise, du Montreux Noël. « L’arrivée de notre marché de Noël vise davantage à accueillir les petits artisans régionaux, explique Nadège Fehlmann. D’ailleurs, plusieurs exposants de Morges nous suivent et nous espérons compléter nos inscriptions avec des artisans de la Riviera. »
Il n'est pas question pour Montreux d'aller démarcher des manifestations ou de se les accaparer. Laurent Wehrli, syndic de Montreux
Montreux s’accapare les manifestations
Les exemples d’Arvinis et du marché de Noël de Morges pourraient laisser penser que Montreux cherche à s’emparer des manifestations de la région et ainsi devenir le pôle d’attraction de l’Arc lémanique.
La volonté de la ville n’est pourtant pas d’aller voler ces événements. « Si une manifestation cherche un endroit pour se développer, Montreux sera ouverte à toute proposition, explique le syndic Laurent Wehrli. En revanche, il n’est pas question pour nous d’aller démarcher des événements. »
Le 2m2c, acteur majeur
Si les organisateurs de manifestations se tournent volontiers vers Montreux, c’est notamment grâce à la culture d’accueil de la ville. Cette culture d’accueil s’illustre notamment à travers le Centre des Congrès et son directeur qui contribuent fortement à attirer des événements. C’est d’ailleurs en ces lieux – ou dans ses environs – qu’est organisée une grande majorité des événements à résonance internationale qu’accueille la ville.
Parmi eux, notamment, Polymanga qui accueille plus de 40’000 visiteurs sur un week-end. De son côté, le Montreux Tattoo Convention en réunit près de 10’000, ou encore le Montreux Jazz Festival et ses 240’000 personnes.
Proposer toujours plus
De son côté, le municipal de Montreux, en charge de l’économie, de la culture et du tourisme, Jean-Baptiste Piemontesi, ne cache pas une certaine envie de développer l’offre événementielle de la ville. Quitte même à devenir la capitale en la matière dans le canton.
AUDIO : Sur la possibilité pour Montreux de devenir la capitale événementielle du canton, Jean-Baptiste Piemontesi, municipal en charge de l’économie, de la culture et du tourisme explique la volonté des autorités communales.
https://soundcloud.com/quentin-frei/piemontesi-capitale
Actuellement les divers événements organisés à Montreux s’adressent à un public de toutes les classes sociales.
Cette volonté d’expansion pourrait donc se retrouver entravée par la capacité d’accueil restreinte en matière d’hôtels à prix abordables sur la Riviera. Et la situation ne semble pas tendre vers un déblocage : le dernier établissement hôtelier qui a vu le jour dans la région est le « Modern Times », dans les hauts de Vevey, destinés principalement pour une clientèle aisée.
Le problème lié au manque d’hébergements abordables s’étend globalement sur l’ensemble de la Riviera.
VIDEO : Michel Agnant, municipal de Vevey, en charge du logement déplore une situation qui ne va pas en s’améliorant.
Paradoxalement, le nombre de nuitée sur la Riviera est en constante augmentation : près de 3 millions en 2016, soit une hausse de plus de 4 % par rapport à l’année précédente. Une tendance qui évolue à contre-courant de la direction prise par le tourisme national, en légère diminution depuis quelques années.
Comment expliquer cette différence ? Pour le directeur de Montreux-Vevey tourisme, Christoph Sturny, la réponse est toute faite : « une partie de notre clientèle est ce que j’appelle une clientèle captive avec le tourisme d’affaire, explique-t-il. Plus de 50 % des nuitées sont dues à différentes conférences et autres rendez-vous professionnels, c’est une véritable aubaine pour la région ».
INFOGRAPHIE : évolution du nombre de nuitées dans le canton de Vaud 2015-2016
Comme les nuitées augmentent, rien ne laisse à penser que la région ait besoin d’étoffer son offre en matière d’hébergements hôteliers pour les plus petites bourses. C’est d’ailleurs l’avis d’Andreas Ryser, de Montreux-Vevey tourisme : « Même si accroître notre offre hôtelière à prix abordables apporterait un plus à la région, ce n’est en aucun cas une priorité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et rien ne laisse présager des heures sombres pour l’hôtellerie de luxe sur la Riviera. »
Une concurrence inter-ville ?
Même si l’on pourrait imaginer le contraire, les autorités montreusiennes ne voient pas comme des rivaux les autres établissements hôteliers de la région qui pourraient, eux, proposer des prix plus abordables. Mais qu’en est-il de la concurrence événementielle avec les autres villes du canton de Vaud ? « Elle n’existe pas. » C’est ce que déclare Jean-Baptiste Piemontesi, municipal de Montreux en charge de l’économie, de la culture et du tourisme.
Il n'existe pas de concurrence entre les villes de l'Arc lémanique. Jean-Baptiste Piemontesi, municipal en charge de l'économie, de la culture et du tourisme à Montreux
A l’inverse, la Municipalité assure que le ville n’est pas non plus perçue comme une concurrente par ses consœurs vaudoises. Pourtant, une responsable de la collaboration entre les villes au sein de l’administration cantonale, qui a souhaité conserver son anonymat, affirme le contraire. « Même si les responsables et les Municipalités ne le diront pas – ou qu’à demi-mot, une telle concurrence existe. Elle est la base même du développement de tout l’Arc lémanique y compris dans la Riviera. »
La Riviera, ce pôle d’attraction
Chaque année, la Riviera accueille près de 80 manifestations sur son territoire. Des événements qui représentent plus de 340 jours de festivités dans la région. En outre, deux villes tirent leur épingle du jeu en matière d’offre culturelle et événementielle : Montreux et Vevey. Ensemble, ces deux agglomérations se taillent la part belle d’un gâteau économiquement juteux.
INFOGRAPHIE : proportion des manifestations proposées sur la Riviera par Montreux et Vevey
Si Montreux rayonne naturellement seule, attirant les plus grosses manifestations, la tendance d’une collaboration régionale s’ancre chaque jour davantage dans les mentalités de la Riviera. Cette coopération semble inévitable. En effet, face à l’afflux d’événements désirant rallier la cité montreusienne, cette dernière ne pourra, à terme, plus assumer les charges qui en incombe.
Ainsi, le partenariat avec sa voisine veveysanne s’inscrit dans une logique collaborative nécessaire à la bonne santé touristique, culturelle et, par voie de conséquence, financière.
On pourrait donc, dans un avenir proche, envisager qu’une manifestation désirant s’installer à Montreux se voie rediriger vers Vevey. Un rapprochement qui confirmerait l’idée bien connue selon laquelle l’union fait la force.
Une enquête réalisée par Quentin Frei
Images : Keystone, Montreux-Vevey tourisme et OFS
Audio, Vidéo : Quentin Frei